Mercredi 03 juillet 2019, 18h17, instant où je me presse pour reprendre le crayon, en revenant de la montagne, après quelques mois de disette, afin de vous compter une nouvelle aventure, celle de 2 amis, Will et Etienne, qui ont décidé de remettre le couvercle, en ce début d’été !

Les secondes passent, les heures défilent, les jours s’enchaînent, les semaines s’accumulent, mais les rêves demeurent, ne vieillissent pas, et restent intactes. Ils s’étaient quittés en Septembre dernier, sous le froid, la pluie, à la limite de l’hypothermie, au col de la LOMBARDE en Italie, après 280 kms de montagne parcourus, de par les cols et les vallées, sous des conditions climatiques très difficiles…   Mais ces 2 artistes, loin d’avoir laissé tomber leur quête, se sont retrouvés, ce dimanche 30 JUIN 2019, à JAUSIERS, à l’assaut de cette boucle sacrée, tracées pour les conquérants, les guerriers des 2 roues !

Il est difficile d’exprimer ou de communiquer le but ou le sens réel de ces projets et expériences, assez inédites. Comme le conte si bien Lionel TERRAY dans son livre « les conquérants de l’inutile », ces défis n’ont pas pour objectif la notoriété, la mise en valeur, car il y a souvent rien à gagner, rien à prouver….Alors à quoi bon, direz vous ?! Et bien c’est en effet une bonne question ! Est-ce foncièrement le besoin de se sentir humain, se rendre vulnérable, se sentir petit, vivant, à notre place dans ce milieu si immense, de se laisser guider par notre corps, par notre esprit, par la nature, sortir de sa zone de confort de son petit chez soi pour retourner véritable dans notre vrai chez nous…Je pense que la réponse appartient à chacun car nous sommes tous et toutes différents.

Inévitablement, se donner les moyens pour réaliser de tel tentative demande une certaine expérience, une envie débordante, un gros entraînement et un fort mental, et bien évidemment, ce n’est pas donner à tout le monde, tout de suite, car les étapes à franchir sont nombreuses.

En effet, le parcours et le passé de Wilfrid et d’Etienne sont assez parlant, et permette d’aborder ce type d’épreuve avec beaucoup de sérénité…

Pour notre doyen Will, ancien guide de Haute montagne et moniteur de ski aguerri, il me faudrait quelques journées d’écriture et de nombreuses pages vierges pour relater tous son passé. D’ailleurs, il est souvent nécessaire de lui tirer un peu les vers du nez pour en apprendre un peu plus sur lui, car il est très discret et n’est pas du genre à évoqué ni son passé, ni toutes ses expériences vécue, par simple humilité, et pourtant, il en a tellement vu !

Etienne, quant à lui, est tout simplement un sportif de haut niveau, ancien cycliste, et maintenant triathlète de niveau mondial, spécialisé dans les épreuves de longue distance, type IRON MAN, d’un calme, d’une maîtrise et d’une sérénité assez impressionnante ! Pour comprendre, il suffit juste de se mettre dans sa roue, enfin…. juste essayer….!

Mais ce sont surtout 2 personnes exceptionnelles, à l’humilité remarquable et à la gentillesse débordante, et c’est surtout pour cela aujourd’hui que je prends mon stylo pour écrire sur ces premières pages blanches, car ils ont beaucoup de mérite.

Après cette brève présentation, place à l’aventure !

Nous voici tous et toute arrivés, ce dimanche 30 JUIN 2019, au petit camping de Jausiers, au calme agréable et au responsable très sympathique, pour monter nos tentes et organiser les derniers préparatifs avant le départ du lendemain. Encore une belle équipe de choc, composée de 2 athlètes, Wilfrid VOYDEVILLE et Etienne CHALEAT et de 3 accompagnateurs, notre Gabrielle VOYDEVILLE adorée, restauratrice attitrée, Alain, notre chauffeur, ami de Will venu de Paris pour vivre l’aventure, et moi même, conseillé et chroniqueur !

Lundi 01 JUILLET, the D-DAY

Pour notre Will, être présent au départ de ce projet relevait déjà d’un exploit, car après s’être fait opéré de sa deuxième hanche 3 mois auparavant, l’ancien guide a fait de son possible pour retrouver le plus vite la forme. Il a plus d’un tour dans son sac l’artiste ! Il est incroyable notre Will, il me fait souvent pensé à mon grand père, intenable ! Tu ne peux pas laisser se reposer un ancien guide sur un canapé, impossible, comme tu ne laisseras pas un Husky enfermé dans un appartement, sinon c’est l’enfer ! Etienne, comme à son habitude, était prêt, ultra entraîné, motivé pour parcourir ce joli boucle en compagnie de son partenaire !

Après avoir passé une grande partie de la matinée sur nos portables respectifs, pour trouver le créneau idéal de départ en lien avec les conditions météorologiques, c’est à 16H00 pétante que nos 2 cyclistes prirent le départ. Au programme, 365 kms et 11000 m de dénivelé positif, et 7 cols hors catégories à franchir, entre la France et l’Italie, avec pour objectif de boucler ce périple en moins de 24H, afin de rentrer dans le cercle fermé des « grands maitres » des 7 majeurs..

La montée du col de Vars fût une parti de plaisir pour Etienne, véritable reptile qui adore les fortes chaleurs ! Pour Will, ce fût plutôt compliqué, à se verser des bouteilles de Christaline sur la nuque après les premiers virages, soufrant de la chaleur, ce n’était pas de bon présage pour la suite. Quant à l’équipe logistique, nous profitâmes des beaux paysages, avec en prime quelques découvertes de plantes sauvages by le cueilleur !

Arrivée en haut, prise de la photo obligatoire et descente sur GUILLESTRE avant d’entamer la partie la plus désagréable de la boucle, 35 kms de vallée vallonnée pour rejoindre BRIANCON, où Will aura souffert de cette température qui lui aura donné de nombreux maux de tête.

Et oui, bienvenue dans l’aventure ! Malgré l’entraînement et l’envie, rien n’est facile, rien n’est joué, tout est à faire, car les corps répondent différemment tout le temps, selon le climat, l’altitude, la température, le jour ou la nuit ! À bonne allure, ils rejoignirent le col de l’Izoard en fin de journée et entamèrent la descente avant la nuit, et surtout avant l’orage qui prenait forme derrière nous ! De gros éclairs suivis de grondement intenses nous firent préparer et aménager hâtivement la voiture, en prévention !

La nuit tomba enfin, et c’est toute la montagne qui reprend ses droits, sa splendeur et son immensité. On se sent tout petit, tout petit, tout petit ! Nos compères, accompagnés d’encouragement, appuyèrent fort sur les pédales pour essayer de basculer en Italie le plus vite possible par le col d’Agnel, mais l’orage avait mis la troisième et nous fit un petit coucou amical durant plus d’une heure ! TOUS DANS LA VOITURE !!!!

En pleine nuit, à 2600 m d’altitude, sous un orage, je dis…merci la CHRYSLER !

L’accalmie passe et nos 2 cyclistes reprirent leur chemin, bien motivé à en découdre avec ce 3ème col, autant mythique que magnifique. Elément qui aura son importance tout au long de la nuit, il ne fait pas froid, même à 2700m.

Après une longue descente au revêtement très caractéristique, « bienvenue en Italie », Will et Etienne arrivèrent à SAMPEYRE les poignets bien engourdis ! Avant de déguster leur première soupe nocturne et d’entamer une belle grimpette de 18 kms, éclairés seulement par leur petite lampe, en pleine cambrousse, nous décidâmes de les suivre en voiture, comme l’année passée, à nos risques et périls ! Mais que cette montée fût difficile et éprouvante physiquement et moralement. C’est à ce moment précis, cette terrible phase, que l’on se forge un mental, une personnalité, un orgueil, que l’on se découvre, se renforce. De bosse aux descentes, nous sommes tous les 5 dans le même bateau, et il suffit que l’un d’entre nous sorte du navire, manque d’attention et de vigilance, et c’est tout le projet qui tombe à l’eau. Chaque trou, chaque caillou est un défi, obstacle à éviter, que cela soit pour nos 2 protagonistes, que pour Alain, notre pilote, et Gabrielle et moi même, les 2 copilotes ! Les paupières moitiés fermées, les 2 sportifs arrivèrent en haut fatigué, par les heures de selles qui s’accumulent et cette obscurité. Allez les gars, le jour se lève, accrochez vous, c’est un passage difficile.

Ils repartirent à la force de leur courage, de leur détermination, pour une descente atypique et accidentée, afin de rejoindre la commune de STROPPO, pour entamer le col le plus sauvage, le plus beaux et surement le plus dur de tous, la FAUNIERA, aussi splendide que difficile ! La nature à l’état brute, traversée par une toute petite route à moitié goudronnée de la largeur d’une voiture, le bonheur !

Ils repartirent à la force de leur courage, de leur détermination, pour une descente atypique et accidentée, afin de rejoindre la commune de STROPPO, pour entamer le col le plus sauvage, le plus beaux et surement le plus dur de tous, la FAUNIERA, aussi splendide que difficile ! La nature à l’état brute, traversée par une toute petite route à moitié goudronnée de la largeur d’une voiture, le bonheur !

Ils reprirent assez rapidement le sourire aux lèvres et l’énergie avec, à la vitesse ou le soleil montait dans le ciel, comme une plante qui ouvre ses fleurs ! Dans ce type d’effort, les besoins vitaux redeviennent vite une priorité pour notre organisme : de l’eau froide, un bol de thé, un rayon de soleil quand il fait froid, le chant des oiseaux, l’air frais, les encouragements, tout est décuplé et le corps et l’esprit recherche constamment le moindre élément qui pourra assouvir un besoin immédiat, et, bien évidemment, delà commence toute la beauté de l’aventure !Emerveillés une nouvelle fois par cette montée, nous arrivâmes au col de la Fauniera accompagnés par le champ des marmottes, sans difficultés, ni obstacles….heu…..quoi que !

Arrivée au col, nos 2 fondus reprirent le sourire et la niaque, et au fond de moi même, je savais qu’à cet instant là, à part une grosse blessure ou un événement extraordinaire, leur mental allait prendre la relève pour terminer la boucle, ca se voit, ca se sent ! Il restait 2 col à passer, non de loin les plus simples, mais j’y sentais bien !

A DEMONTE, comme à chaque ravitaillements que notre Gabrielle organisait de main de maître, les 2 Décathloniens furent vite changé et alimenté pour arpenter le pentes raides du col de la LOMBARDE et ses 22 kms , sous la chaleur, merci pour Will !Mais bon, franchement, quitte à choisir, mieux vaut cela que les températures négatives et la pluie de l’an passée !

Plus les kilomètres défilèrent, plus l’alchimie entre les 2 compagnons de route prenait forme. Le plus ancien partait toujours avec un temps d’avance dans les cols alors que le plus jeune prenait le temps de se pauser un peu plus, son niveau lui permettant de rejoindre rapidement son pote. Une chose est sûre, croyez moi, ce n’est déjà pas simple de le faire tous seul, mais alors à 2, c’est encore beaucoup, beaucoup plus difficile, car il est nécessaire de s’adapter sans cesse à son compère de route, à ses coups de moins bien comme à ses moments d’euphories, s’il y en a !

De notre côté, l’équipe était bien coordonnée. On réalisait des micros sieste et profitions de ces montagnes des Alpes du Sud, toujours aussi belle. Quand on est en adéquation avec cet environnement, avec la faune et la flore qui peuplent ces hauteurs, on s’y sent souvent mieux que chez soi. Que notre planète est belle, et sincèrement, je trouve dommage que notre espèce n’est pas su se fondre dans celle-ci pour ne faire qu’un avec ce qui nous entoure, c’est fort dommageable.

D’émotions en émotions, nous poursuivîmes nos 2 leaders à travers la forêt et les alpages jusqu’au col de la Lombarde, situé une nouvelle fois à plus de 2000 m d’altitude, comme les 7 autres. En prenant la photo de la pancarte, mon instinct me disait qu’ils étaient bien partis, malgré les conditions climatiques délicates annoncées avec les orages, mais ma conscience et mon expérience me rappelèrent vite à l’ordre ! Attention Eddy, n’oublies pas ce que tu as vécu, la patronne, la maitresse, c’est toujours la montagne, c’est elle qui dicte le chemin, qui rythme ta journée, ton avancée, qui décide si tu passes, ou si tu ne passes pas ! Malgré les 80 kms restant, le chemin pouvait encore être long, très long !

La Team de choc !

En descendant la Lombarde côté ISOLA 2000, nous jetâmes un coup d’œil au niveau du réservoir, il était grand temps de faire le plein, car la CHRYSLER était certes spacieuse, mais elle consommait beaucoup dans les bosses ! Arrivée à la station essence, après quelques kilomètres dans la vallée, Alain sorti de la voiture, serein, mais la responsable du site nous annonça que la station n’était plus alimentée en électricité, surement à cause des orages, et donc …plein d’essence IMPOSSIBLE ! Je regarde la montagne, sourire aux lèvres, en me disant, « et bien voilà, là je te reconnais » !

Alors que de sombres nuages apparaissaient au loin, derrière les sommets de la Bonnettes, nous continuâmes notre route jusqu’à SAINT ETIENNE DE TINEE, pour préparer l’un des derniers ravitaillements.

Comme le dirait si bien Astérix, le ciel nous tomba brusquement sur la tête, et une question nous tarauda l’esprit, installé tous les 5 dans la voiture en attendant le passage du déluge : Aurons nous assez d’essence pour franchir le col ? ! QUE FAIT-ON ?!!!

Et voici une nouvelle aventure qui commença ! Ayant croisé dans la ville un fonctionnaire qui nous avait annoncé que l’électricité était revenu, Gabrielle et Alain se précipitèrent à la station, à 10 minutes du village. Will et Etienne, quant à eux, prirent la route comme si de rien était, dans l’espoir que le plein soit effectué, et moi, j’attendais sous un abri ! Revenus finalement bredouille de la station avec encore moins d’essence, nous rejoignirent rapidement Will et Etienne….moment délicat….il faut faire un choix !

Je ne rentrerai pas dans les détails, mais après une bonne heure d’échanges d’idées et de pauses sous la pluie, Will et Etienne reprirent le vélo et nous avons eu la chance d’être dépanné ultérieurement par un gentil homme, 10 litres d’essence qui nous auront sauvés la vie ! Let’s go to BONNETTE, the last !!!

Nous rattrapons nos 2 futurs finishers, qui, à bout de force, dans un dernier kilomètre horrible, à la pente avoisinant les 15 à 17 %, iront pauser devant le dernier panneau de cette belle boucle. Un sentiment de joie, de plaisirs partagé, de bonheur nous envahis tous les 5 ! La chance de vivre de tel moment de sport, d’amitié, d’aventure !

Tout en maîtrise, ils rejoignirent l’office de tourisme de Jausiers pour la dernière photo du challenge, celle qui restera à jamais gravé dans leur et nos esprits, à tous les 5. Ils étaient partis 26 heures et 40 minutes auparavant, et les voici de retour après 365 kms et 11000 m de dénivelé positif, franchement, Bravo les gars, chapeau bas, car rien n’est facile dans ce type d’épreuve.c’est dingue ce que l’être humain est capable de réaliser.

Ce qui est le plus beau dans cette histoire, ce n’est pas la performance sportif, ce n’est pas la réussite, c’est d ‘avoir réuni, autour d’un projet commun, 5 personnes au parcours différents, aux opinions différentes, aux caractères différents, à la vie et aux envies différentes, à travers un long chemin, semé d’obstacles et d’embuscades. Il y avait des leaders, des guerriers qui n’ont rien lâchés pour nous faire vivre des émotions énormes, et des accompagnateurs, prêt à tous faire pour les aider à réussir ce projet. Franchement, c’est trop bon à vivre, je m’en lasserai jamais !

Tout ce récit pour finalement dire. …que dans la vie, tout est possible, lorsque la santé est présente et que l’on croit en ses rêves. Unis, ensemble, il est toujours possible de réaliser de belles choses, franchir les obstacles qui feront face…

6 heures passées, je finis ce récit devant des racines et des ailes sur France 3, avec un reportage sur une bergère dans les Pyrénées, ma montagne de cœur, quelle bonheur ! Elle a l’air aussi heureux que le petit cueilleur que je suis devenu aujourd’hui, car la montagne, de prêt ou de loin, est devenue notre vie !

Merci Will, Merci Etienne, Merci Gabrielle, Merci Alain

Signé le cueilleur !