Quand il parle des 7 Majeurs, le dijonnais Victor Bosoni a des étoiles dans les yeux : “Quelle journée, quelle aventure, quel périple… Ce serait un euphémisme de dire que j’ai réalisé, ce vendredi 15 Juillet 2022, le plus gros défi de ma vie.”

Voici le compte rendu de sa chevauchée fantastique à la conquête des 7 Majeurs.

Etant un passionné de la grimpette et de la longue distance, les divers récits sur la difficulté et la beauté du parcours m’intriguaient très franchement ! Malheureusement pour moi, ce n’était alors qu’un doux rêve pour moi de le faire, étant coursier en Junior puis en Elite, ce défi n’était pas compatible avec ma pratique.

Mais voilà qu’en Juin 2022, je dois être contraint de stopper la compétition en raison de problèmes de santé. Les 7 majeurs devient alors une possibilité et un projet très concret pour moi, qui souhaite se lancer dans l’Ultra-endurance. Ma grande-tante, qui possède un chalet sur le tracé, me le confie généreusement et je programme alors ce défi pour la semaine du 11 juillet.

Préparation

Avec mon arrêt de la compétition le 27 juin 2022 et les 7 majeurs prévu la semaine du 11 juillet, il y avait donc une préparation assez rapide à avoir. Bien que mon entraînement de coursier allait forcément m’aider, la préparation physique n’est cependant pas la même.

J’ai donc, pour mon premier week-end de retraité des pelotons, prévu un week-end « choc ». Aller et rentrer de chez mon (autre) grande-tante à vélo à Bourg-en-Bresse : 210 km le samedi et 310 km le dimanche. Un gros week-end pour moi qui n’avait réalisé un 300 km qu’une seule fois, en peloton et à la Réunion.

Même si cela n’était pas forcément prévu pour les 7 majeurs, j’étais inscrit pour l’Etape du Tour, le 10 Juillet 2022 (167 km avec plus de 4 700 mètres de dénivelé positif cumulé). Cette compétition pouvait, alors, entrer parfaitement dans ma préparation pour ce périple. En plus, je me suis permis de rentrer à Briançon à vélo depuis l’Alpe d’Huez qui m’a donc ajouté 72 km et 1332m de d+ pour un total sur la journée de 237,49 km et 5871m d+. Une bonne préparation !

Le jour-J

Configuration du vélo.

J’ai longtemps hésité entre la date du 14 juillet et du 15 juillet. Pourquoi ? Car il me fallait un temps de récupération suffisamment long de l’Etape du Tour et pas plus tard car il fallait que je rentre chez moi le dimanche, à Dijon. J’ai finalement opté pour la date du 15 juillet en raison de la météo car celle-ci garantissait moins de nuage et donc de possible orage ainsi qu’une température plus agréable le matin.

Au niveau de l’heure, je m’étais renseigné grâce à l’aide de Xavier Boutteaux ainsi que de l’expérience de Pierre Idjouadiene, qui avait fait aux alentours de 18h de temps écoulé. Il fallait donc partir très tôt, à 4h du matin, afin d’avoir le lever du jour au sommet du premier col et pour la descente mais aussi ne pas finir trop tard afin d’éviter la nuit dans la descente du dernier.

J’utilisais un braquet de 39*28. Au niveau de mes sacoches, j’utilisais, grâce à mon partenaire Cyclable Dijon, les sacoches « Racing Saddle Pack » et « Racing Top Tube Pack » de chez Apidura. Et dedans, voici ce que j’avais :

  • 1 Multi-Outil XLC
  • 2 Chambres à air Schwalbe 700C 28″
  • 2 Démonte pneu
  • 1 mini-pompe
  • 1 Couverture de survie
  • Ma Carte Bancaire, Permis de conduire et quelques billets
  • 1 GoPro Hero 4 Session
  • Mon Smartphone
  • 1 Batterie Externe
  • 1 lumière avant Lezyne Micro Drive 600XL
  • 1 coupe-vent/imper
  • 1 paire de manchettes

Ainsi que tout mon ravitaillement que j’ai soigneusement cuisiné au préalable :

  • Du gâteau de Riz par @alexm_diet_
  • Du Banana Bread par @alexm_diet_
  • Un Sandwich Jambon/Chêvre
  • 3 Barres céréales PowerBar
  • 1 Gel énérgétique

La-Roche-de-Rame – Izoard

Levé à 2h du matin, petit-déjeuner conséquent (Riz, œufs…), je descends de Champcella en voiture direction La-Roche-de-Rame et top départ à 3h58 dans la nuit !

Les premiers tours de roues dans la nuit sont assez excitants, d’autant que la lune est assez vive. Je monte les premiers pourcentages à l’Argentière en direction de Briançon, j’ai la chance de bien connaître les routes et donc être plus à l’aise dans les descentes et la nuit. J’arrive rapidement à Briançon et ma lampe s’arrête au même moment : Parfait ! La ville est éclairée et j’en aurai plus besoin dans le col de l’Izoard.

J’entame alors ce col, le jour se lève lorsque je passe dans le village de Cervières. Il n’y a personne, c’est vraiment apaisant. Je continue à grimper jusqu’au sommet, les sensations ont l’air correctes cependant je sais que je suis parti pour une (très) longue journée mais que je vais prendre un maximum de plaisir.

Col Agnel

Petit pipi, un petit ravito et c’est parti pour la descente ! J’adore le versant par la Casse déserte, le paysage est incroyable. Je prends donc un plaisir monstre à voir le lever du jour sur cette descente.

J’arrive vite dans la vallée et le magnifique petit village de Château-Ville-Vieille. Il fait frisquet mais je me dis que je vais vite arriver au pied du col Agnel et que ça va se réchauffer naturellement.

Pied du Col Agnel, un des deux versants que j’ai déjà grimpé avec le col de Vars. Ce col est un des plus beaux, je mets le régulateur et c’est parti pour 21 km à 6,4%. J’en prends déjà plein la vue alors que c’est que le début ! J’ai hâte d’être côté Italie pour connaître ces cols si particuliers mais je sais qu’avant ça il faudra passer le sommet d’Agnel.

Sommet d’Agnel au bout de 1h30min de montée, il est 8h18 et il est temps pour moi de basculer en Italie !

Col de Sampeyre

Boom ! Col de Sampeyre, les choses sérieuses commencent avec les terribles cols Italiens. Après une longue descente, j’arrive à Sampeyre pour débuter son col, 16 km à 8,2%. Je double tout plein de vélo électrique, je me dis alors que je grimpe pas si mal et les sensations sont de mieux en mieux. Beaucoup de français sont dans ce col, je croise même des Gravel qui font les 7 majeurs, l’occasion de discuter un peu et de continuer ma route.

Le col de Sampeyre était un de mes préférés, la montée en pleine forêt sur des petites routes, le genre de col que j’adore ! Il y avait aussi des remontées mécanique qui donnent un petit charme au col, bref, le kiff !

J’arrive au sommet du col, prend ma photo et… AIE ! Mince, j’ai une grosse douleur au genou qui survient… Je touche, ça fait mal. Je pense que le fait de ne pas avoir mis de genouillère m’a coûté après les gros écarts de température. Un gros doute s’installe : Je suis loin de la maison, les sensations étaient super bonnes, vais-je pouvoir continuer avec cette douleur ? Il reste plus de 200 km, je ne fais que commencer. Comment vais-je arriver au bout ?

Col de la Fauniera

Je fais la descente très tranquille, je me dis qu’un peu de repos va aider mon genou à se remettre droit et que je vais pouvoir finir ces 7 majeurs qui me tiennent tellement à cœur.

Après m’être ravitaillé en eau et fait la vallée, j’entame la Fauniera (21,4 km à 7,1%) avec toujours une pointe au genou mais qui reste supportable et me permet de pédaler convenablement.

Même si mon genou me préoccupe, je continue à avoir des bonnes sensations et du plaisir dans la Fauniera. Encore un de mes cols préférés du jour si ce n’est mon préféré. La raison ? Le sommet du Colle d’Esischie, je ressens en passant le sommet une émotion vive, ébahi par tant de beauté, de voir la plaine italienne me rend euphorique. Une sensation indescriptible.

Col de la Lombarde

Après m’être fait remplir mes bidons d’eau avec de la poudre énergétique (!) par des généreux Italiens, je bascule dans la descente de la Fauniera en direction de la Lombarde, frontière Italo-Française. J’en profite pour manger mon sandwich et prendre un peu de temps puis je file dans la vallée jusqu’au pied de la Lombarde (19,1 km à 7%).

Il commence à faire très, très chaud. Je regarde mon compteur et ça affiche 41°c. Mes bidons de 950ml et 550ml partent comme un rien dans la montée de la Lombarde et me retrouve à sec à + de 10 km du sommet. La sensation de dureté est démultipliée. Je n’attends qu’une chose : Avoir l’opportunité de remplir mes bidons. C’est très dur dans la tête mais j’arrive à apercevoir un petit cours d’eau et me jette dessus afin de remplir mes bidons. Ah… Ça va mieux….

J’arrive péniblement au sommet et à ce moment précis, je me dis que je bascule dans une autre partie du défi : La bataille contre moi-même commence. Fini le plaisir, il va falloir se battre maintenant !

Cime de la Bonnette

2 802m, La Cime de la Bonnette est considérée comme la plus haute Route d’Europe avec ses 25,3 km à 6,2%. Mais aussi une des plus belles, c’est un vrai bijou.

Comme dirait Stéven Le Hyaric « Start with Legs, Finish with the mental ». C’est exactement ce qu’il est en train de se passer. C’est long, très long. Je n’ai plus beaucoup d’énergie à revendre et je ne pense désormais plus qu’au sommet de Vars où je vais pouvoir décompresser totalement.

Il me reste cependant un bon morceau avant Vars. Je peine à avancer mais je m’accroche grâce à ce paysage tout simplement sublime. Plus on arrive en haut, plus le décor est somptueux : On est au-dessus de toutes les montagnes, l’impression d’être dans au ciel (Voilà mon état après 9000m de d+).

Col de Vars

Après avoir mangé mon dernier solide au sommet de la Cime de la Bonnette, je bascule vers Vars. Il me reste donc plus que mon gel de la dernière chance pour terminer ces derniers 50 km. Mais pour moi c’est presque terminé, il n’y a que 8km de montée, ça va se faire. ERREUR ! J’avais oublié à quel point c’était un col terrible, surtout après 300 km et 9000m de dénivelé.

La vallée est plus longue que dans mes souvenirs mais j’entame ce col de Vars (14,5 km à 5,4%). Première partie plutôt tranquille mais je sais grâce à mon compteur que ça va se corser plus tard d’autant que je suis à bout, je redoute grandement ce moment et prends donc mon « gel de la dernière chance ».

J’y vais à mon rythme mais lorsque j’arrive aux 5 derniers km (à 9%), c’est la pleine souffrance. Ce n’est plus que la tête qui pédale, je m’accroche, m’accroche et j’arrive finalement au sommet avec un énooooorme soulagement d’avoir réussi à monter les 7 majeurs !

Retour à la Roche-de-Rame

En passant le sommet de Vars, je suis clairement un Zombie. Il est hors de question pour moi de pédaler dans cette descente (à part les quelques remontées qui font bien mal au moral!). J’arrive donc à la fin de cette descente, à Guillestre, il me reste 10 km avant la Roche-de-Rame.

Le soleil se couche, il fait presque nuit, une sensation de devoir accompli s’empare de moi, je suis ému et fière de moi, pour une fois. Mon père et mon frère m’envoient des messages dans ces derniers kilomètres, cela me donne de la force pour terminer ces 7 Majeurs en
17 heures, 43 minutes et 37 secondes et 16h26min9s en temps parcouru.

Conclusion

Partant dans l’inconnu, cette expérience des 7 majeurs, sans-assistance, en moins de 24h ont répondu à de nombreuses questions qui m’intriguaient et m’aideront à coup sûr dans le futur.

Je suis tellement heureux et fière d’avoir réussi ce défi, surtout avec les péripéties que j’ai pu vivre durant ce périple que cela me donne 1000x plus de motivation à persister dans ce domaine de l’Ultra-Endurance.

Bravo et merci à Patrick Gilles pour le tracé de ce parcours qui est tout bonnement splendide et qui me donne envie de le refaire, en peut-être, plusieurs jours afin de profiter pleinement des paysages qui nous entourent.

Je remercie toutes les personnes qui m’ont inspiré sur ce défi, André Perez, Rémi Borrion et Pierre Idjouadienne. Xavier Boutteaux pour ses conseils.

Ainsi que mes partenaires, Cyclable Dijon et Cyclable France pour l’accompagnement matériel.

Victor Bosoni, BikePacker.

Le blog de Victor : http://victorbosoni.net